Tutelles et mesures de protection juridique
Les mesures de protection juridique bénéficient aux mineurs mais surtout aux majeurs qui, en raison d’une altération de leurs facultés physiques et/ou mentales, ne parviennent plus à pourvoir seuls à leurs intérêts.
En France, environ un million de personnes sont placées sous un régime juridique de protection et compte tenu du vieillissement de la population, ce chiffre devrait continuer d’augmenter.
La protection des majeurs
Les majeurs souffrant d’une altération de leurs facultés mentales peuvent faire l’objet de trois mesures de protection plus ou moins lourdes : la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle.
Ces trois mesures obéissant à des règles communes.
Il est également possible d’anticiper sa propre protection par le biais d’un mandat de protection future.
Enfin, un proche peut solliciter auprès du juge l’ouverture d’une mesure d’habilitation familiale, qui est soumise à un formalisme moins prégnant que celui imposé pour les autres mesures de protection judiciaire.
Règles communes
Règles communes aux trois mesures de protection
La protection des majeurs relève de la compétence du juge des contentieux de la protection (anciennement juge des tutelles).
Le juge doit respecter trois principes lors du choix de la mesure :
Le principe de nécessité
A peine d’irrecevabilité, le juge ne peut être saisi d’une demande de protection que par une requête accompagnée d’un certificat médical circonstancié constatant l’altération des facultés du majeur et décrivant les conséquences de celle-ci sur la vie civile de l’intéressé.
Ce certificat émane d’un médecin inscrit sur une liste particulière établie par le procureur de la République.
Le principe de subsidiarité
Le juge ne doit ouvrir une mesure de protection que si le majeur ne peut pas être protégé autrement et notamment par la mise en œuvre du mandat de protection future ou encore par l’application des règles de droit commun de la représentation, par celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux ou par une autre mesure moins contraignante.
Le principe de proportionnalité
La protection doit être adaptée à la situation du majeur et individualisée en fonction du degré d’altération de ses facultés.
Quelle que soit la mesure choisie, le majeur devra bénéficier de la protection de son logement, de ses meubles, de ses comptes et livrets bancaires.
En revanche, le majeur protégé (peu importe la mesure de protection en question) peut se marier sans exigence d’autorisation préalable ni d’audition tant que le protecteur est informé préalablement du projet de mariage pour lui permettre de former éventuellement opposition.
Ces règles sont transposables au PACS.
Par ailleurs, le majeur placé sous un régime de protection reste malgré tout responsable civilement d’où la nécessité de le faire bénéficier d’une assurance de responsabilité civile.
Sauvegarde de justice
La sauvegarde de justice
Le juge des contentieux de la protection peut placer sous sauvegarde de justice la personne qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
Le juge peut également mettre en place cette mesure lorsqu’il est saisi d’une demande de mise sous tutelle ou sous curatelle, pendant la durée de la procédure.
La sauvegarde peut par ailleurs être mise en place sans décision du juge, par une simple déclaration d’un médecin auprès du procureur de la République, de ce que la personne à laquelle il donne ses soins a besoin d’être protégée.
La sauvegarde de justice a une durée maximale d’un an, avec un seul renouvellement possible.
La mise sous sauvegarde de justice n’est pas une mesure d’incapacité mais une mesure de protection de la personne de sorte que le majeur conserve en principe l’exercice de ses droits.
Il peut donc acheter, louer, vendre, donner, etc.
Ces actes peuvent cependant être annulés pour trouble mental, rescindés pour simple lésion (c’est-à-dire annulés parce qu’ils sont objectivement déséquilibrés) ou réduits en cas d’excès (c’est-à-dire réduits à ce dont la personne protégée avait vraiment besoin).
Le juge peut désigner un mandataire afin de gérer le patrimoine du majeur sous sauvegarde de justice.
Curatelle - Tutelle
La curatelle et la tutelle
Règles communes
La procédure de placement sous tutelle ou curatelle est demandée par requête déposée auprès du greffe du tribunal judiciaire de la résidence habituelle de la personne à protéger, la décision devant être rendue dans un délai d’un an sous peine de caducité de la requête. La durée moyenne de la procédure est de six mois.
L’article 430 du code civil énumère les personnes pouvant déposer une telle requête à savoir la personne qui doit être protégée, son conjoint, un parent, le procureur de la République etc.
Pendant l’instruction, le juge des contentieux de la protection peut prendre des mesures provisoires et notamment placer le majeur sous sauvegarde de justice ou encore ordonner une mesure d’instruction (par exemple une enquête sociale).
Le juge doit en principe entendre la personne à protéger avant de statuer.
Néanmoins, par décision spécialement motivée et sur avis d’un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République, il peut décider de ne pas entendre la personne à protéger si l’audition est de nature à porter atteinte à sa santé ou si elle est hors d’état d’exprimer sa volonté.
A l’issue de l’instruction, et un mois au moins avant la date prévue pour l’audience de jugement, le dossier est transmis pour avis au procureur de la République.
Le jugement est notifié, en principe par lettre recommandée avec accusé de réception, à la personne qui a demandé l’ouverture de la mesure, à celle qui est chargée de la protection et au majeur. Le délai d’appel est de quinze jours à compter de la notification, le jugement étant cependant immédiatement exécutoire dès son prononcé.
Le jugement n’est opposable aux tiers que deux mois après la mention du jugement au répertoire civil et en marge de l’acte de naissance de la personne protégée.
Le juge qui ouvre une tutelle ou une curatelle doit en fixer la durée, étant précisé que la durée maximale est de cinq ans. La mesure peut cependant être renouvelée par le juge.
S’il est constaté par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République que l’altération des facultés personnelles de la personne à protéger n’est manifestement pas susceptible de connaître une amélioration, le juge peut prononcer la mesure pour une durée maximale de dix ans.
Les mesures de protection cessent en cas de décès de la personne protégée ou par jugement de mainlevée, lorsque le juge constate qu’elle n’est plus nécessaire.
Les actes qui ont été effectués par le majeur avant son placement sous tutelle ou sous curatelle sont en principe valables. Cependant, ceux qui ont été accomplis moins de deux ans avant la publicité du jugement d’ouverture de la tutelle ou de la curatelle peuvent être contestés dans des conditions plus favorables que celles du droit commun de l’action en nullité pour trouble mental.
La tutelle
La mise sous tutelle concerne les personnes qui, en raison d’une altération de leurs facultés, ont besoin d’être représentées d’une manière continue dans les actes de la vie civile.
Le jugement de tutelle crée ainsi une incapacité de principe du majeur sous tutelle, qui doit être représenté par son tuteur dans tous les actes de la vie civile.
Le majeur ne peut plus gérer lui-même son patrimoine et ses comptes bancaires, émettre des chèques, agir en justice, être commerçant, etc.
Le juge ou le conseil de famille désigne un tuteur qui aura la double obligation de prendre soin de la personne du majeur et de gérer son patrimoine.
Le tuteur peut accomplir seul les actes conservatoires et les actes d’administration nécessaires à la gestion du patrimoine du majeur. En revanche, il a besoin de l’autorisation du juge ou du conseil de famille pour effectuer au nom du majeur un acte de disposition.
La curatelle
La mise sous curatelle concerne les personnes qui, en raison d’une altération de leurs facultés, et sans être hors d’état d’agir elles-mêmes, ont besoin d’être assistées ou contrôlées d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile.
L’assistance du curateur est donc requise pour tous les actes de disposition, c’est-à-dire pour tous les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée. Si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être assistée, le juge peut l’annuler si le majeur a subi un préjudice.
Mandat de protection future
Le mandat de protection future
Le mandat de protection future permet à chacun d’organiser à l’avance sa propre protection ou sous certaines conditions celle de son enfant et permet ainsi d’éviter l’ouverture d’une mesure judiciaire qui serait incapacitante.
Le mandat peut porter :
- sur la protection du patrimoine : dans ce cas, le mandant définit librement l’étendue de la mission qu’il entend confier au mandataire, les pouvoirs et obligations de ce dernier, sa rémunération, les biens visés etc.
- sur la protection de la personne : le contenu du mandat est alors imposé par la loi.
Le mandat pour soi-même prend effet lorsque le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts. Le mandataire produit alors au greffe du tribunal judiciaire du lieu de résidence du mandant les documents suivants : le mandat et un certificat médical circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République, attestant de l’altération des facultés mentales ou corporelles du mandant de nature à empêcher l’expression de sa volonté.
Le mandat de protection future fonctionne comme une procuration : le mandataire peut agir au nom du mandant, mais ce dernier conserve sa capacité juridique. Il peut donc accomplir tous les actes conservatoires, d’administration et de disposition, y compris sur les biens dont il a confié la gestion au mandataire.
Habilitation familiale
L'habilitation familiale
L’habilitation familiale tend à permettre aux familles qui sont en mesure de pourvoir seules aux intérêts de leur proche vulnérable d’assurer cette protection, en se soumettant à un formalisme moins prégnant que celui imposé pour les autres mesures de protection judiciaire.
Les conditions et la procédure d’ouverture sont exactement les mêmes que pour la tutelle : l’habilitation familiale a pour objet de protéger les personnes qui, en raison d’une altération de leurs facultés, ont besoin d’être représentées d’une manière continue dans les actes de la vie civile.
Mais le juge ne peut prononcer l’ouverture d’une habilitation familiale que s’il constate l’adhésion, ou à défaut l’absence d’opposition légitime à la mesure de l’ensemble des proches de la personne à protéger, ce qui suppose qu’il n’y ait pas de conflits familiaux.
Contrairement à la tutelle, l’habilitation familiale fait peser sur la personne habilitée des contraintes moins lourdes que celles qui pèsent sur le tuteur.
La personne habilitée a notamment le pouvoir de passer seule, pour le compte de la personne protégée, des actes de disposition à titre onéreux sans avoir besoin d’obtenir l’autorisation préalable du juge des contentieux de la protection.
Une passerelle permet au juge de prononcer l’ouverture d’une habilitation familiale alors que le prononcé ou le renouvellement d’une mesure de tutelle ou de curatelle était demandé.
La protection des mineurs
Le mineur est frappé d’une incapacité générale d’exercice. En principe, ce sont ses parents qui le représentent et à défaut, un tuteur.
L’article 390 du code civil prévoit que la tutelle s’ouvre automatiquement lorsque :
- les parents de l’enfant sont tous les deux décédés ou privés de l’exercice de l’autorité parentale ;
- l’enfant n’a aucune filiation légalement établie.
Le juge compétent est le juge aux affaires familiales, dont la compétence territoriale est déterminée par la résidence habituelle du mineur ou du domicile du tuteur.
La tutelle du mineur fonctionne avec :
Un conseil de famille
Il est composé de quatre membres au minimum dont le tuteur et le subrogé tuteur. Les membres, choisis par le juge, peuvent être les parents et alliés des père et mère de l’enfant ainsi que toute personne qui manifeste un intérêt pour lui.
Le conseil de famille a principalement pour mission, si les deux parents sont décédés ou privés de l’autorité parentale, de régler les conditions générales d’entretien et d’éducation de l’enfant et d’autoriser les différents actes de disposition que le tuteur ne peut pas accomplir seul.
Le tuteur
Si aucun tuteur n’a été choisi du vivant des parents, il est choisi par le conseil de famille.
Si la tutelle reste vacante, le juge la défère au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Le tuteur doit prendre soin du mineur et gérer ses biens en fonction des décisions prises par le conseil de famille.
Le subrogé tuteur
Également choisi par le conseil de famille parmi ses membres, le subrogé tuteur a pour mission de surveiller la gestion du tuteur. S’il constate des fautes de gestion du tuteur, il doit en informer immédiatement le juge (à défaut, il engage sa responsabilité).
La tutelle prend fin au décès, à la majorité ou à la date d’émancipation du mineur, ou en cas de mainlevée.